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Biblia [Bible de Vivien, dite Première Bible de Charles le Chauve], élaborée dans le scriptorium de l’abbaye Saint-Grégoire, à Tours. Gallica

[su_dropcap style= »simple » size= »5″]N[/su_dropcap]ous sommes maintenant dans le Haut Moyen-Age. La société féodale s’organise. Les pouvoirs politiques et religieux communiquent par écrit. Les contrées d’Europe occidentale, qui étaient unifiées sous l’Empire romain, maintenant disparu, sont compartimentées sous des pouvoirs indépendants.

On voit apparaître, dans ces états barbares, un foisonnement d’écritures qui remplacent la cursive romaine. Ils en sont les traitements locaux. Comme pour la langue d’ailleurs. Au début de la période barbare, les scribes conservent encore les traditions romaines et produisent des ouvrages, sinon élégants, du moins lisibles malgré l’absence d’intervalles.
A partir du VIIe siècle, ces traditions se perdent et l’on en arrive aux écriture mérovingiennes, absolument illisibles pour quiconque n’en a pas fait l’étude. La forme même des lettres devient indistincte et variable à l’infini. L’alignement n’est plus respecté. Les majuscules et les minuscules ne se différencient plus.
En 771, Charlemagne prend la tête du royaume franc. Lui qui ne sait pas écrire est cependant conscient de la ­nécessité d’unifier les différentes écritures en usage dans son empire pour « dissiper l’ignorance, faire régner l’ordre et la clarté ».

Il confie à Alcuin la réforme de l’enseignement de la grammaire, de l’éloquence et de l’écriture. Alcuin crée donc un type d’écriture qui sera la seule autorisée dans tout l’empire : la caroline. Elle s’inspire de diverses graphies semi-onciales alors en usage : wisigothe, lombarde, mérovingienne, etc. Les textes profanes de l’Antiquité, sacrés ou liturgiques, sont désormais copiés en caroline.

Pour la petite histoire locale, en 796, Charlemagne donne une quatrième abbaye à Alcuin, Saint-Martin de Tours, où ce dernier écrit ses ouvrages d’enseignement. Sous son impulsion, les [simple_tooltip content=’Qui est relatif, qui appartient à l’Écriture sainte‘]scripturaux[/simple_tooltip] atteindront un haut niveau de qualité. Ce qui fera de la cité ligérienne la capitale de la caroline, une lettre sans capitale…

D’autres sources font naître la caroline dans l’Abbaye de Corbie, près d’Amiens. Et plus précisément dans une Bible dite «de l’abbé Maugrabins», calligraphiée avant 778.

À l’exception de quelques écritures comme la bénéventine en Italie et la wisigothique en Espagne, qui résisteront à l’imprégnation carolingienne, la minuscule caroline va prendre ses aises partout ailleurs et ce jusqu’aux XIe-XIIe siècles.

Aujourd’hui encore, nous bénéficions de l’influence de cette « normalisation » dans la structure de nos minuscules.

L’écriture caroline se distingue par sa grande lisibilité, grâce à ses proportions harmonieuses, sa rondeur, grâce aussi au fait que les lettres sont bien distinctes et bien détachées les unes des autres; elle existe encore dans l’écriture humaniste du XVIe siècle, et on en trouve encore trace dans la nôtre. Elle atteint sa perfection à la fin du IXe siècle, mais à la fin du XIIe siècle, l’écriture gothique s’impose.

Rapidement, sur l’histoire des gothiques. Cette écriture n’a pas ses racines en Allemagne mais en Angleterre. Elle a servi à l’administration de Guillaume le Conquérant des deux côtés de la Manche.

En effet, les apports des maîtres anglo-saxons semblent déterminants dans cette évolution. Peu à peu, la caroline se redresse et s’étire vers le haut. Avec la gothique, on peut vraiment parler de majuscules, alors qu’auparavant les lettres des titres étaient surtout des capitales empruntées à des écritures antérieures.

Le développement de la société médiévale autorise parallèlement l’émergence, au XIIe siècle, de la cursive gothique. On la trouve dans toutes sortes de documents et actes écrits de la vie quotidienne. Son essor est favorisé par l’apparition du métier de maître d’écriture et la création d’ateliers laïques. Le livre devient alors une marchandise qui se vend dans les foires.

Parmi toutes les écritures gothiques, les plus célèbres sont la textura, la bâtarde, certaines écritures cursives, notamment celles des chancelleries qui aboutiront au XVe siècle à une forme stylisée, la fraktur, et la rotunda, une cousine latine beaucoup plus arrondie utilisée en Italie et en Espagne.

 

Cette écriture très rapprochée est souvent difficile à lire. C’est l’origine de l’usage du point sur les i qu’on a gardé depuis. Ces rapprochements permet au scripteur de faire des raccourcis et donc de faire des économies sur le papier et sur le temps de calligraphie.

C’est aussi la multiplication des ligatures (on colle deux lettres entre elles) et des signes abréviatifs. La lecture devient compliquée, réservée au petit monde du pouvoir et des moines érudits.

La typographie à ses débuts a recopié ces ligatures et ces mêmes abréviations. Il a fallu un bon siècle pour qu’elle se rende compte qu’on pouvait s’en passer pour une meilleure compréhension des textes par les lecteurs.

On a gardé cependant quelques ligatures telles que le œ, le æ et quelques autres dont le &, ligature du e et du t qu’on appelle esperluette (31) (et pas « et » commercial comme on l’entend dire trop souvent).

Bibliographie