La première chose fut d’aller récupérer le véhicule. Lever 7 heures, derniers réglages sur l’ordi, petit-déjeuner, levage du reste de la famille… Les filles, excitée immédiatement. Léone notamment pour qui aller chez Mamie est aussi simple que d’aller à l’école. A 1200 kilomètres près, oui, ma chérie…
Y avait déjà du monde au guichet du loueur de voiture. Dieu sait que je vais régulièrement chez lui, mais c’est la première fois que je voyais autant de clients en même temps… Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille… Mais non, confiante et heureuse, j’attendais benoîtement. Quand mes yeux sont tombés sur un tableau, affiché au mur, et visiblement montrant, en temps réel, les bouchons ! Aïe, il y en avait un juste là où je voulais passer.
A chaque fois que je raconte nos départs en voyage, je raconte la réaction des filles quand elles découvrent la voiture. Aujourd’hui, elles ne m’ont pas déçue. Comme nous ne connaissons jamais à l’avance le modèle exact qui nous est alloué, c’est la surprise est à chaque fois au rendez-vous. Au voyage précédent, j’avais réservé un genre Laguna et nous avions eu une superbe Alfa Romeo. Cette fois-ci, toujours la même Laguna réservée, et c’est une Mégane Scenic qui nous échoit… Et Léone me regarde avec des yeux morts d’amour : « Elle est belle ta voiture maman. »
Bon voiture chargée, enfants dans la voiture, mari dûment attaché (la voiture couine si on ne met pas sa ceinture et ça devient très vite insupportable), nous partons enfin vers d’autres cieux. Il est 9h30, au niveau timing, c’est parfait…
Ça commence par le périphérique. Légère inquiétude quand je m’engage porte de Saint-Ouen, les voitures semblent rouler au pas. Mais ce n’est qu’un mauvaise impression, dès que nous sommes sur la voie, tout roule. Il fait beau, il est tôt, la vie est belle et c’est tant mieux.
Quelques portes plus loin, Lou fait : « Pfff, y a pas d’embouteillages, ils se sont trompés ». Ayant sur la vie un regard disons plus expérimenté, je m’empresse de lui répondre que nous ne sommes pas arrivés et que l’embouteillage annoncé peut très bien se produire à tout moment. J’ai à peine fini de prononcer ces mots que ça freine brutalement autour de nous. Autant le dire tout de suite, je ne repasserai pas la troisième avant trois heures. Les trois heures que nous mettrons à parcourir la distance entre Paris et le péage de Saint-Arnoud soit environ 50 kilomètres. Tiens, je n’ai même pas le courage de faire le calcul pour connaître ma vitesse de croisière.
Nous avons le temps de compter les brins d’herbe sur le bas coté. Et on le ferait si on ne se passait pas les nerfs l’un sur l’autre le Nôm et moi. C’est chacun son tour. Et si une des filles s’avise de se mêler de quoi que ce soit, ce sont les deux contre les filles. Sale temps pour les mômes.
On parle souvent des enfants qui ne sont pas sages, en l’occurrence, là, ce sont plutôt les parents. Les minutes filant, nous finissons par prendre notre mal en patience et à revoir nos objectifs. En fait, c’est de là que ça vient, on se fixe un but : arriver avant 18 heures à Narbonne. Et quand on voit que ce but s’éloigne de plus en plus des choses du possible, on s’énerve, alors qu’il suffit de changer d’objectif… Je finis par me dire que si on arrive entre 20 et 21 heures à Narbonne, la soirée n’est pas morte non plus… On s’est d’ailleurs mis à avancer beaucoup plus vite quand j’ai eu décidé que nous avions le temps finalement.
Après Saint-Arnoud, le ciel a commencé à se couvrir. Nous nous sommes arrêtés assez vite pour pique niquer. Et surtout pour faire pipi. Parce que dans les embouteillages, on n’avance pas mais on ne peut pas s’arrêter pour autant… Deux WC à la turque devant lesquels attendait une foule impressionnante de dames tout aussi pressées que moi. Pas la peine de leur faire du charme pour passer devant. Mais comme je n’ai pas les deux pieds dans le même sabot, j’ai fait le tour du bâtiment et ai trouvé les WC pour handicapés devant lesquels il n’y avait personne. Pas beaucoup plus propres que les autres, mais ceux-là avaient le mérite d’être libres…
Il y a quelques années (je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans…) deux journalistes avaient fait le tour des aires de stationnement des autoroutes et en avaient fait un guide. Je ferai bien la même chose avec les toilettes des aires. Cuvette or not cuvette, à la turque ou pas, papier toilette ou pas, nettoyage régulier ou laissé aller… Un guide trois étoiles de chiottes d’autoroute. Voilà qui serait d’utilité publique. Que personne ne me prenne l’idée, elle est déposée.
Nous revoilà partis à l’assaut des kilomètres, avec les filles qui l’une après l’autre entonnent le refrain de tout gamin embarqué dans une voiture pour un voyage qui leur semble déjà durer une éternité : « C’est bientôt chez Mamie. » Là, mieux vaut être franc : « Non, c’est encore très très loin. » Avec un ton de plus en plus ferme et de plus en plus agacé, qui finira généralement en fin de journée par : « La prochaine qui me pose cette question je lui mets la main dans… (censuré, faudrait pas que vous pensiez que je bats mes filles). »
Après Orléans, bifurcation vers Clermont-Ferrand, et là, la route est à nous. Il n’y a quasiment plus personne. Ou presque… Entre Clermont et Saint-Flour, bien planquée derrière un bosquet, une voiture de gendarmerie et un beau flash… 150 km/h, je suis bonne comme la romaine. Le gros problème de ces voitures ultra-confortables et assez puissantes, c’est qu’on dépasse les 130 sans même sans rendre compte. Il faut rouler l’œil rivé sur le compteur alors qu’on devrait l’avoir sur la route… Lorsque j’avais ma Fiat Panda, outre que je ne pouvais dépasser les 130 qu’en descente, elle se mettait à vibrer tellement que je ne risquais pas de ne pas m’en rendre compte. D’un autre coté, 1200 kilomètres en Fiat Panda, j’ai pratiqué (et même beaucoup plus alors que j’étais enceinte jusqu’aux yeux), et je déconseille, surtout avec le dos en capilotade. On en sort avec des bourdonnements d’oreille qui durent quelques jours et des sensations de vibration qui vous font continuer la route au fond de votre lit quand, enfin, vous dormez…
Bref, flashée en pleine descente (évidemment, dans une côte, y aurait eu moins de clients), ce sont les seuls gendarmes que je verrai du week-end, je ne souhaite pas en voir d’autres franchement. Ceux-ci vont me coûter assez cher.